Let Me Hear A Simple Week

Le jazz est vif, douloureux, doux, tendre, lent ; il apaise, il bouleverse,
c'est de la musique et ce qu'il rythme est vrai, c'est le pouls de la vie.
Andree Maillet

Selon les règles de la géométrie cartésienne et euclidienne. L’expression, reprise ici à Kurt Lewin et à Jean-Paul Sartre, indique d’abord que cette topologie est structurée à partir des cheminements d’un corps en mouvement. La maîtrise du tempo et de la pulsation caractérise un rythme de vie fort proche d’un air musical.

L’ « intérieur », c’est une relation solide parce que pleine de sens avec les choses  de notre entourage familier, comme celle que nous entretenons avec un vêtement qui nous va bien et que nous aimons porter, un système ou plutôt un monde que nous formons avec elles, qu’il est difficile de rompre lors d’un déménagement par exemple, ou bien qui se présente comme un ensemble fermé au visiteur de passage n’en comprenant pas toujours les axiomes fondamentaux et les significations premières. Il est au contraire, comme on vient de le voir, rempli d’objets-signes familiers que nous manipulons régulièrement ou épisodiquement et qui s’organisent en monde autour de nous. L’espace habité est un espace manié, mais il est surtout, comme le dit Sartre, un « complexe d’outils », c’est-à-dire un espace pratiqué au sein duquel nous nous tenons, un espace avec lequel nous communiquons en nous y ajustant, en réglant avec et par rapport à lui nos conduites et nos attitudes.


êver c’est agir avec les choses et les disposer autour de nous en un vis-à-vis accueillant.

Notre intérieur familier est une petite scène où des rôles sont distribués et où les péripéties du quotidien se nouent et se dénouent. La chambre devient bateau ou refuge, la cuisine se transforme en laboratoire pour les expérimentations les plus variées, le couloir accueille les cabanes que construisent les enfants, dans le salon des matchs de football et des parties de cartes s’organisent…

L’ « intérieur », c’est une relation solide parce que pleine de sens avec les choses  de notre entourage familier, comme celle que nous entretenons avec un vêtement qui nous va bien et que nous aimons porter, un système ou plutôt un monde que nous formons avec elles, qu’il est difficile de rompre lors d’un déménagement par exemple, ou bien qui se présente comme un ensemble fermé au visiteur de passage n’en comprenant pas toujours les axiomes fondamentaux et les significations premières. Il est au contraire, comme on vient de le voir, rempli d’objets-signes familiers que nous manipulons régulièrement ou épisodiquement et qui s’organisent en monde autour de nous. L’espace habité est un espace manié, mais il est surtout, comme le dit Sartre, un « complexe d’outils », c’est-à-dire un espace pratiqué au sein duquel nous nous tenons, un espace avec lequel nous communiquons en nous y ajustant, en réglant avec et par rapport à lui nos conduites et nos attitudes.
Avec beaucoup de justesse, Gilles Tiberghien appelle « cabanes » ces machines à rêver. Et peut-être l’art d’habiter une maison ou un appartement consiste à les transformer en cabanes d’enfant. La cabane n’est pas exactement une maison, mais une manière de se tenir pour ainsi dire à la lisière du monde et de vibrer à l’unisson Composer est un exercice difficile. Il recourt à l’inspiration qui elle-même semble indéfinissable et insaisissable, comme une muse capricieuse et volubile. D’ailleurs, quand l’inspiration daigne vous offrir le fruit d’un long travail d’attente et de tentatives douteuses, elle vous rappelle que ce que vous venez d’écrire ne vous appartient pas totalement. La créativité dépend des fulgurances, ça ne fonctionne pas sur commande mais quand on s’abandonne. Il faut créer, sans se soucier de là où tout ça finira, écrire coûte que coûte, dessiner, jouer jusqu’à ce que votre conscience baisse la garde. Voilà pourquoi il est important de créer un monde à son image. Il nous permet de s’évader, de rêver et d’imaginer à un rythme sans limite. Tout lieu bien habité, maison ou appartement, devient, pour reprendre l’expression de Gaston Bachelard, une « maison onirique ». Je l’entends de la manière suivante : c’est une maison où l’on rêve bien. Ce n’est pas nécessairement la maison natale, la maison des souvenirs. Mais plutôt le foyer des rêveries actives, créatrices, imaginatives, la maison des jeux.

Cadence

Dans l’espace habité je ne sais qui est premier, du verre ou de la main qui le saisit, qui est premier, de l’objet ou de l’intention. Car les deux parties s’ajustent (le plus souvent) en une sorte de système de sympathie pratique. Ce qu’on appelle un « intérieur » se fabrique ainsi : dans le renforcement des ajustements pratiques entre nous et les choses qui peuplent notre maison, un renforcement par l’usage qui finit par produire un lien indéfectible entre elles et nous.

Mouvement

Il s’y trouve aussi de l’émotion, du souvenir, de l’imagination. Je sais que cette statuette est sur la cheminée, à la gauche de mon bureau, mais quand je lève les yeux sur elle je vois aussi le jardin sur le fond duquel elle se découpe, comme un appel possible au repos sous le soleil, et je me souviens de mon père disparu qui, un matin d’hiver, l’avait déposée là. Et encore le mot « pratique » est-il sans doute réducteur. Car nos manières de nous ajuster aux choses qui nous entourent et à l’inverse de les ajuster à nous ne relèvent pas seulement d’une adresse, d’une technique, d’une série d’habitudes incorporées.

Un lieu de vivre organisé selon une topologie hodologique

Les espaces que j’habite sont pour moi des manières de m’installer dans le monde, ils y dessinent en quelque sorte la carte de mon existence, selon une cartographie toujours évolutive, au gré de mes initiatives, des événements qui m’affectent, des rencontres et des histoires dans lesquelles j’entre et sors.

Carla Loveri - IHECS UE1